Quelques notes sur un piano [ Austria ]

La jeune fille s'ennuyait dans son dortoir. Durant ces temps de vacances, l'académie était bien plus tranquille qu'a l'accoutumée. Et le problème de la jeune fille, était que pour elle, les vacances étaient synonyme de fête, encore et toujours plus de fête. Et qui dit fête dit bière, et qui dit bière dit "oups, je me rappelle pas vraiment de ce que j'ai fait hier soir". Et oui, ça lui ai déjà arrivé. Quel contraste entre son physique de gentille petite fille et son côté déluré. Mais bon, c'est comme ça, les belges sont des bons vivants et elle ne fait pas exception.

C'est donc dans l'optique "je trouve des gens pour faire la fête" qu'elle arpentait les couloirs de l'académie, mais seulement, une salle attira son attention. La salle de musique. La blonde s'arrêta, et regarda doucement la porte. En fin de compte, peut être que de passer une soirée calme était une bonne idée. Sa tête lui serait très certainement reconnaissante.

Elle entra dans la salle, et son regard parcouru les divers instruments présents. Son regard s'arrêta un court instant sur le saxophone. Elle en jouait merveilleusement bien, et était sans doute la meilleure de l'académie dans ce domaine. Après tout, c'était bien un instrument belge. C'est pourquoi elle décida de s'installer au piano.

Elle pianotait doucement, avant que ses doigts ne s'emportent et joue du Gainsbourg. Les initiales BB. Bella. Belgique. C'était parfait. Les rayons du soleil de fon de journée caressaient sa peau, et doucement, elle ferma les yeux.

Les premières notes étaient comme les coups de tonnerre distants d’un orage qui s’approchait à grands pas. Puis, contrebalancées par les notes plus légères, comme une pluie de lumière insouciante, reflétant la lueur d’un or fatigué de cette fin d’après-midi, se mêlant aux particules de poussière dansant dans l’air.

Oui, cette lumière se versant à travers la fenêtre donnait à la salle de musique des attitudes de sanctuaire accueillant et serein à la fois. Ou est-ce que c’était la présence de ces instruments nobles parsemant la pièce, si silencieux et immobiles, n’attendant que des mains attentives et révérentes pouvant les faire vibrer de nouveau de mille harmonies? Il aimait l’étrange calme qui semblait régner en ce lieu, malgré les myriades de mélodies qui s’y jouaient. C’était comme si, un instant, le monde et ses bruits futiles retenait sa respiration et suspendait son mouvement afin d’écouter, simplement.

Oui, tant de personnes se contentaient d’entendre. Si peu prenaient le temps d’écouter.

En simples spectateurs.

En refermant avec la plus grande délicatesse la porte de la salle de musique après lui afin de ne point déranger le morceau de la jeune fille, l’autrichien demeura simplement à observer, à distance. Il y avait des instruments joués dont il irradiait une envie de battre des mains, s’approcher, sourire. Il y en avaient certains qui impliquaient de fait une certaine distance, nimbée de respect.

Le piano faisait partie de cette deuxième catégorie.

Et il est vrai qu’il l’aimait pour cette raison, entre mille.

La jeune fille jouait ce morceau, qui à vrai dire, était l'un de ses favoris. Elle adorait tout style de musique, et même si pour certains la musique classique était la seule vraie grande musique, elle trouvait que certains artistes méritaient aussi que l'on qualifie leurs oeuvres ainsi. Bien entendu, elle ne jouait pas du Lady GaGa au piano non plus. Bien que cela ne l'empêchait pas d'aimer et de danser la dessus, un bon beat reste un bon beat.

Ses doigts voyageaient sur le piano avec une aisance qui pourrait donner l'impression que cet instrument est facile à jouer.Faux, tellement faux. Certes cela n'est pas bien compliqué de jouer des comptines pour enfants, mais si l'on veut devenir un virtuose, il faut pratiquer, encore et toujours pratiquer. N'importe quel musicien pourra vous le dire.

La Belge finit son morceau, et réouvrit les yeux. Elle étira doucement un sourire, elle était satisfaite de sa prestation. Elle fit mine de réfléchir quelques secondes, avant que ses doigts ne pianotent doucement à nouveau. Tchaikovsky. Le lac des cygnes.

Cet air de piano, elle l'adorait. Peut être car elle avait une boite à musique qui jouait cet air sans cesse quand elle était petite. Souriant, elle jeta un coup d'oeil à la fenêtre, avant de détourner le regard. Mais cependant, son coeur rata un battement, et la musique s'acheva sur un bruit de fausses notes jouées un peu trop fort sur le piano. Elle se retourna vivement, et le reflet qu'elle avait vu dans le miroir était bien présent dans la salle.

"Roderich ... Tu m'as fait peur ..."

La blonde souria. Car elle savait que ce n'était pas du tout son intention. Il était juste trop respectueux pour l'interrompre durant un morceau et signaler sa présence, tout simplement

Il admirait avec calme ses doigts sur les touches, et leur mouvement fluide et aisé. Essayant de faire abstraction de ses instincts de pianiste sévère et méticuleux, et d’apprécier simplement la musique. Oh, pas réellement son style. Mais même si il tâchait de faire comme si seul le classique l’importait, chaque musique, quelle que soit le style, devait avoir ce rythme, cette fluidité entre les notes, qui en faisaient un chef-d’œuvre. II y avait des mauvaises œuvres classiques.

L’Histoire avait simplement fait le tri et gardé le meilleur.

Néanmoins il ne pouvait dissimuler un sourire calme en entendant par la suite une série de notes qu’il connaissait dès les premiers instants. Et quel morceau…personnifiant dans des volutes de notes si délicates toute la grâce d’un cygne, d’un rayon de clair de lune.
Jusqu’à ce que cette performance ne s’achève brutalement, le faisant sursauter. Il en grimacerait presque de douleur…et en cherchait la cause avec inquiétude…Jusqu’à s’apercevoir, au visage belge tourné vers lui que la cause du trouble n’était autre que…lui.

"Ah…veuillez m’excuser, mademoiselle, telle n’était pas mon intention. Je ne désirais pas interrompre une aussi belle performance."

Dans le gêne qui colorait légèrement son visage pâle et la subtile agitation qui filtrait à travers son ton calme, il omit de répondre à son tutoiement. Parce que, après tout, il s’agissait avant tout d’une demoiselle et il avait été fort irrespectueux de sa part de lui faire peur. Même si interrompre son morceau l’aurait été aussi. Dilemme, pour un aristocrate.